Disco Partie
Tres consciencieuse, j'ecoute toutes les consignes que me donne mon accolyte de salle, Sylvia. Elle est une jolie javanaise, la trentaine, petite, joyeuse et tres seductrice. Les hommes, les femmes, elle aime tout le monde. Elle m'explique notre tache, elle travaille dans ce bar discotheque depuis un moment deja, sa soeur meme y est barmaid." C'est pas complique, tu notes tes commandes sur une feuille de ton carnet, tu la donnes a Linda a la caisse qui te rend un ticket. Une barmaid t'amene ta commande a l'angle du bar, tu recuperes tes verres et tu sers. Faut que les tables soient nickel. Et si t'es cool avec les clients ils te paient toujours des coups a boire " .
" Oh ben tu sais, je bois pas d'alcool " je lui reponds.
" Nonnn.. jamais ? " Sylvia est surprise et pense sans doute que je vais changer d'ici quelques soirees. J'ai l'habitude, on m'a souvent prise pour une nunuche qui ne savait pas s'amuser sous pretexte que je ne buvais que de l'eau.. wouahhh l'ennui cette fille... trop coincee. "Ben alors, tu fais la gueule ??? laches toi aller !! " J'aimais rester tranquille dans mon petit coin, apprendre un peu la vie des gens qui m'entouraient. J'ai toujours privilegie les comites restreints aux groupes, si marrants soient-ils, je ne m'y sentais jamais rassuree.
Sylvia et moi allons nous partager les deux seules salles. L'une s'ouvre sur l'exterieur, la baie des citrons. Les pieds dans le sable meme si nous ne sommes pas sur la plage, je la prefere a la deuxieme qui est surpeuplee, cloitree dans le noir ou se situe la piste de danse. Les gens sont aussi saouls dans l'une que dans l'autre mais ma preferee nous laisse au moins la possibilite de s'entendre sans crier.
Premiere soiree reussie, je carbure a l'eau et aux cocktails de jus de fruits frais. Evidemment les habitues remarquent la petite nouvelle et ne manquent pas de me faire leur charme dans l'espoir d'entamer une conversation. Je m'en tiens aux commandes, c'est ma soiree d'essai et je ne veux pas m'egarer a discuter; j'ai besoin de ce job si je veux poursuivre mes voyages. Je croise sans cesse ma collegue qui au fil de la nuit ralenti son rythme pour s'assoir de temps a autre a certaines tables, tres tres gaie. Moi je suis speed, je me faufile dans la foule, je travaille et prends cela tres au serieux. En fin de soiree le patron me demande de revenir le lendemain pour signer un contrat de trois mois. Je suis contente, ca ne m'engage pas longtemps. De plus le job me convient, j'ai plaisir a servir les gens. Je trouve drole d'aborder en premier la face cachee des gens, celle qui n'est pas forcement la plus belle mais pas la moins interessante non plus. C'est parfois etrange de croiser ces memes personnes la journee, lancees dans leur quotidien. Je croirais vivre des relations a l'envers, moi qui suis deja tres selective dans mes contacts, la pour le coup, je gagne du temps !
Les nuits s'enchainent, je tiens le rythme. Le decalage horaire me plait, je dispose de mes fins d'apres midi pour profiter de la journee, me promener, voir des amis, vivre tout simplement. Pas besoin de reveil le matin pour aller au boulot, c'est genial. A la fin de mon service a deux heures du matin avec Sylvia ou des "amis" nous nous dirigeons quelques fois dans d'autres boites de nuit pour nous aussi nous amuser. Ma preference se porte sur une du centre ville ou le mercredi soir un strip teaser chauffe la salle. A ma grande deception je n'ai jamais pu assister a son show puisque le soir moi je bosse !!! Heureusement ce beau jeune homme est le " videur " aussi, je n'en peux plus chaque fois que je passe devant lui et encore plus quand je le vois danser !!! Jamais il n'a accepte une danse avec moi, sous pretexte qu'il travaille et ce n'est pas faute d'avoir tente ma chance plusieurs fois !! Tanpis, je m'en remettrais. Je le croiserai quatre ans plus tard dans un tgv entre Bordeaux et Paris. Je ne l'ai pas loupe, il est passe deux fois devant moi, la premiere j'ai cru le reconnaitre, la seconde j'en ai profite pour regler mes comptes :o) Pas trop fort car c'est un champion de boxe mais juste ce qu'il fallait pour qu'il prenne pitie d'une pauvre jeune fille qui voulait juste danser avec lui, si si, juste danser.. d'abord
Peut etre pour s'excuser et au mieux parce qu'il m'a trouve sympatique, il m'a offert un grand collier de Wallis d'ou il est originaire. Fiere que j'etais en me promenant dans le metro avec ce magnifique souvenir du bout du monde ! Et fiere aussi d'avoir eu le culot de l'aborder dans le train en lui demandant si c'etait pas lui le strip teaser du Deep 501 Gene qu'il etait, j'ai beaucoup rit.A cinq heures, alors que le soleil se leve, notre nuit de folie ou d'ennui s'acheve. Chacun sa route, moi je prends celle de la place du marche que j'adore, surtout entre cinq et sept. Certains se reveillent tout juste, et viennent boire leur cafe assis au bar sous un chapiteau. Construit en arc de cercle, cet espace nous permet de tous nous regarder, c'est pour moi une grande chance, j'adore regarder les gens vivre, vous avez compris. J'apercois que je ne suis pas la seule noctanbule a venir prendre mon cafe au lait ici. Il est tres bon d'ailleurs. C'est bien le seul moment de ma petite vie que j'ai bu du cafe au lait, vous savez, avec la petite mousse qui deborde legerement de la tasse. Deux wallisiens avaient pour habitude d'y prendre leur petit dejeuner.. enfin petit.. facon de parler. Je les observais tremper vigoureusement leur demi baguette au pate, jambon, salade et peut etre bien cornichons entre autres ingredients savoureux je n'en doute pas, dans leur maxi bol de cafe au lait. Je me dis juste que nous n'avons pas les memes gouts.. pas les memes carrures a entretenir non plus !! Quelques fois un groupe local nous offre sympatiquement un air de ukulele, quelques fois aussi je ne pointe meme pas mon nez au marche, je termine plutot ma nuit en entamant ma matinee sur le sable de l'anse vata, devant la derniere discotheque visitee, alors que tous les fetards sont rentres. Je profite ainsi du court silence qu'il me reste entre une fin de nuit bruyante et la prochaine circulation automobile des travailleurs du jour. Mes oreilles sifflent.. pas aussi joliment que les oiseaux :o)
Voila quelques semaines que je travaille, que je cotoie regulierement les memes clients, je sais d'avance ce qu'ils consommeront et ca leur plait. L'un d'eux, avec qui je sympatise, me propose une chambre dans sa maison, ce qui m'eviterait un bien long chemin a pied, entre l'auberge de jeunesse et la baie des citrons. En debut de soiree cela ne me posait aucun probleme, au contraire meme, ca m'echauffait. En revanche, pour le retour, cela me contraignait a trouver quelqu'un pour me raccompagner en voiture. Seule sobre, je me faisais reconduire par des serveuses saoules. J'accepte sa proposition, ravie de quitter l'auberge. Nous nous accordons sur le fait que notre vie commune se base sur l'amitie et tout se deroule pour le mieux. Lui me cuisine des legumes le midi lorsqu'il rentre du travail qu'il laisse au frigo pret a rechaffer au micro onde a mon reveil, et quand vraiment il veut me faire plaisir, il passe au marche m'acheter une salade tahitienne, salade de poisson cru au lait de coco... un regal. En echange je m'occupe de son menage et de son repassage, ce qu'il apprecie en tant que celibataire recemment divorce. Bientot nous avions notre rituel, du jeudi au dimanche je me rendais au travail a pied, lui me retrouvait plus tard en discotheque, profitait gaiement de sa soiree et se faisait raccompagner sain et sauf a la maison par une serveuse sobre mais sans permis. Je prenais des cours de conduite a deux heures du matin dans les rues de Noumea. Je ne m'en vante pas, ca me fait rire de l'ecrire.
Cette periode de mes aventures fut le seul reel moment ou j'ai travaille en gagnant de l'argent. Mon ami m'a permis de mettre la quasi totalite de mon salaire de cote pour repartir. Je ne faisais pas de plan, je continuais a travailler en attendant qu'un evenement se presente. Je ne crois pas avoir provoque quoi que ce soit pendant ces deux annees de voyages, je restais simplement alerte, ouverte a toute proposition pas trop indecente.
J'approchais de la fin de mon contrat. Un soir, alors que j'attendais au bar de recuperer la commande de mes clients, un homme entame la discussion. Ca pourrait paraitre banal mais finalement pas tant que ca. Certains me surnommaient " la garde du corps " parce que lorsque je n'avais pas de client a servir je restais debout les bras croises, serieuse, a survoler la salle du regard. Je ne m'attardais pas souvent a papotter. En contre partie de ce serieux, la femme du patron Linda me permettait de profiter du quart d'heure de musique antillaise. Il y avait peu de bons danseurs de zouk mais quand j'en trouvais un, je ne le laissais pas filer. Cette cadence me procurait beaucoup d'emotion en resonnance avec mes premieres annees de jeunesse vecues en Martinique et plus recemment en Guyane.
Donc cet homme, j'y reviens ! Il me demande ce que je fais la, a Noumea.
" Je suis en attente de partir ailleurs " je lui reponds vaguement.
" Fidji, ca t'interesse ? "
Que me dit-il la ??? Les iles Fidji ont toujours ete synonymes de paradis terrestre, depuis un film visionne quand j'etais petite, " le lagon bleu ".
" Oh oui j'adorerais y aller " lui dis-je d'un air reveur. Je me demande ce qu'il va me sortir. Il a les cheveux longs frises, legerement decolores par le soleil.. j'apprendrai plus tard a reconnaitre le physique type des " voileux ".
" J'ai un ami qui recherche un equipier pour s'y rendre en voilier. Il n'a trouve personne, si tu veux, je te le presente demain matin, il part dans deux jours " me dit-il d'un ton assure.
" D'accord " je lui retorque sur le meme ton.
" On se retrouve demain 8 heures a la capitainerie de Port Moselle ? " me propose-t-il.
" Pas de probleme, avec plaisir ".
Et je m'en vais avec mes verres.. je n'y crois pas, en cinq minutes me voila partie pour les iles Fidji.. les plages de reve, comme si Ouvea et l'ile des Pins ne m'en avaient pas servies assez..
Je poursuis ma nuit sur un nuage, ne sachant neanmoins a quoi m'attendre reellement. Mais un chose est sure, j'irai au rendez-vous.
